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« Croire en un avenir radieux est devenu mon credo » : les cinq ans du projet « Migrants comme Messagers » en Afrique de l’Ouest

Emily Cholette
Côte d'Ivoire
Histoire
Lors du Festival des Musiques Urbaines d’AnoumaboIt en Côte d’Ivoire, Boniface a été invité à monter sur scène pour partager son histoire de migration avec d’autres volontaires MaM. Photo : OIM 2022/Mohamed Aly Diabaté

Un dicton dit qu’il ne faut pas juger autrui avant d’avoir traversé la même épreuve que lui.

Selon ce dicton, Boniface N’groma n’aurait pas été confronté à la stigmatisation du retour au pays après sa migration irrégulière. Il se souvient : « mon retour dans ma Côte d’Ivoire natale n’a pas été une expérience facile ; j’ai été abandonné et traité comme la risée de tous. Pour mes camarades, j’étais un raté, j’ai eu ce sentiment très souvent. »

En 2015, Boniface est parti en Tunisie où il a passé deux ans avant de décider de partir pour l’Italie en passant par la Libye — un voyage qu’il a effectué à pied à travers le désert, puis dans le coffre d’une voiture, avant de passer quatre mois sur une plage en attendant le départ pour l’Italie.

Ce départ n’a jamais eu lieu. Après avoir été arrêté et emprisonné, il est rentré chez lui en passant par la Guinée. « J’étais dans un état de désespoir quand j’ai miraculeusement appris l’existence du projet “Migrants comme Messagers” (Migrants as Messengers -MaM). Dès la première rencontre, j’ai senti une porte de sortie, un second souffle, une nouvelle chance. »

Journalist workshop in Guinea with MaM Volunteers and members of the women and migration network. Photo: IOM Guinea 2020

Migrants comme Messagers (MaM) est une campagne de sensibilisation entre pairs, visant les jeunes en Afrique de l’Ouest pour les aider à prendre des décisions éclairées en matière de migration. Lancé par l’OIM en 2017, les volontaires migrants de retour au pays sont au cœur du programme. Ils reçoivent une formation pour devenir des agents de sensibilisation et partagent des récits honnêtes de leurs expériences migratoires par le biais de récits authentiques, d’interactions entre pairs, d’activités communautaires et d’engagement en ligne.

L’approche multiplateforme, qui s’appuie sur les médias sociaux, la radio, la télévision et les événements en direct, rend ces récits accessibles à un public plus large, notamment aux décideurs locaux, aux responsables communautaires, aux chefs religieux et aux jeunes migrants potentiels.

Boniface a rejoint le projet MaM en mars 2020. Sa formation comprenait la création de contenu, le montage vidéo, la prise de parole en public, le leadership, la formation aux affaires et à l’entrepreneuriat. Ce travail a porté ses fruits à bien des égards. « Grâce au projet MaM, j’ai progressivement retrouvé le goût de vivre, et j’ai une communauté de pairs avec qui je partage une grande partie de mon quotidien. Je suis maintenant capable de gérer un public, d’organiser et d’animer une activité, et je suis à l’aise pour partager mon histoire avec les autres. Collaborer avec des personnes qui ont la même histoire de vie est une chance énorme, car cela m’a permis de croire en mon destin. »

MaM Volunteers conduct on-the-ground awareness raising on COVID-19 prevention in Liberia. Photo: IOM Liberia 2020

Une étude de l’OIM sur la première phase de MaM a montré que l’autonomisation des migrants de retour, tant au niveau individuel que communautaire, est la clé de son succès. À titre d’exemple, les jeunes qui ont pris part aux activités de la campagne au Sénégal étaient 19 % plus informés des risques et des opportunités liés à la migration, 25 % plus conscients des risques multiples associés à la migration irrégulière et 20 % moins susceptibles de déclarer leur intention de migrer de manière irrégulière au cours des deux prochaines années.

Fort du succès de la première phase de la campagne en Guinée, au Sénégal et au Nigéria, MaM a étendu ses activités en Côte d’Ivoire, en Gambie, au Libéria et en Sierra Leone en 2019. Elle dispose désormais d’un réseau de 400 membres actifs à travers sept pays d’Afrique de l’Ouest.

Les volontaires ont utilisé la dynamique de leur voix collective pour élargir le dialogue dans les communautés sur les risques de la migration irrégulière et les alternatives à celle-ci, en plus de défendre les droits des femmes et de prévenir la violence basée sur le genre. Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, les volontaires MaM ont élaboré des contenus et conçu des activités sur le terrain pour la prévention de la COVID-19.

Boniface, avec 60 autres migrants, a fondé l’Association pour la réintégration des migrants de retour (ARM-CI) en Côte d’Ivoire en 2021 pour promouvoir les droits des migrants de retour, sensibiliser aux alternatives à la migration irrégulière et soutenir leur réintégration.

« Croire en un avenir radieux est devenu mon credo », déclare Boniface. « Ma priorité est de continuer à sensibiliser aux risques et aux alternatives à la migration irrégulière. À travers l’association ARM-CI, je souhaite créer une structure d’accueil, de formation et de réinsertion afin que les jeunes et les migrants de retour puissent bénéficier de ces opportunités dans un espace de partage et de bienveillance. »

MaM Volunteers in Senegal at a training of trainers. Photo: IOM 2020 /Amanda Nero

Le projet MaM a laissé une empreinte durable d’apprentissage et d’expérience partagée en Afrique de l’Ouest. Ensemble, les volontaires MaM ont produit plus de 1 000 vidéos, touché plus de 400 000 personnes sur le terrain et généré plus de 4 millions d’engagements en ligne.

Il convient de souligner que la durabilité à long terme est un principe fondamental du projet MaM. Dans les sept pays, les volontaires MaM se sont organisés en 17 associations indépendantes dirigées par des migrants de retour qui continueront à travailler à la sensibilisation et au soutien des migrants dans leurs communautés.

« En Gambie, MaM a aidé le réseau de migrants à être officiellement enregistré en tant qu’association », explique Miko Alazas, qui a travaillé sur le projet MaM pour l’OIM en Gambie. « Au cours des derniers mois du projet, nous avons planifié une série d’initiatives visant à renforcer leurs capacités en matière de gestion organisationnelle, comme le leadership, la collecte de fonds et les technologies de l’information ». Cela permet aux volontaires de « déployer leurs ailes » une fois le projet terminé. « J’aimerais que le réseau continue à se réunir et à faire participer les jeunes à ses activités de plaidoyer. »

Dans les années à venir, l’héritage de MaM se poursuivra alors que les associations dirigées par des volontaires prendront le flambeau pour sensibiliser à la migration et soutenir les migrants de retour dans leurs communautés.

Emily Cholette est la responsable de projet de Migrant comme Messagers (Migrants as Messengers) depuis 2020. Consultez régulièrement le site web migrantsasmessengers.org, car les résultats d’une étude pilote de MaM et d’une étude d’évaluation d’impact devraient être publiés fin 2022/début 2023.