La vidéo, un tremplin vers une réintégration sociale réussie
Guinée
Histoire
Alors que la campagne Migrants comme Messagers (MaM) tire à sa fin et que les objectifs visés par le projet sont atteints, les volontaires MaM prennent leur plume pour raconter dans une série d’articles, leurs perceptions de l’initiative. Ici, Ibrahim Diakité, volontaire basé à Kankan en Guinée nous explique comment la vidéo l’a aidé à se sentir utile dans sa communauté.
En mars 2021, j’ai réalisé une interview avec Aissata Keita, une mère de famille qui n’avait pas eu de nouvelles de son fils Sidiki Kaba, depuis 2020. Diplômé de l’Université de Kankan, celui-ci avait opté pour la migration irrégulière, après plusieurs tentatives infructueuses de trouver un emploi au pays, m’expliquait Madame Keita. Cet entretien m’a marqué, tant sur mon propre vécu que celui de plusieurs familles de ma ville. J’y pensais jour et nuit, seul ou entouré. Je voulais en faire quelque chose qui pourrait soulager cette pauvre mère de sa douleur. C’est ainsi que l’idée de produire une vidéo sur cette histoire et me servir des réseaux sociaux pour la diffuser m’est venue.
Dans cette vidéo de 2 minutes, Aissata nous raconte sa relation avec son fils Sidiki, son courage, leur complicité, mais aussi sa solitude, sa tristesse et sa détresse. Les larmes aux yeux, elle évoque ses difficultés à trouver le sommeil, à vivre sans son enfant. « Je n’étais pas contre son départ, mais je ne voulais pas qu’il parte sur l’eau », confie-elle.
La production a été mise en ligne sur les réseaux sociaux de l’Organisation internationale pour les migrations en Guinée et sur mes comptes personnels. J'ai toujours eu l’espoir que la production de cette vidéo pourrait être une opportunité de redonner le sourire à cette maman qui en avait tant besoin. C’est ainsi qu’un compagnon de voyage de Sidiki, également originaire de Kankan, a vu le témoignage et a contacté la famille à son retour au pays.
« Mon frère et ce monsieur se sont connus en Libye, au point de regroupement des migrants pour l’embarquement en mer. Ils ont commencé la traversée à bord de la même embarcation. Quand leur pirogue a chaviré, mon frère n’a pas survécu », explique Souleymane Keita, membre de la famille du disparu. « Cette information ne nous rendra pas notre cher » poursuit-il, « mais elle nous permettra de faire le deuil ».
Je n’ai certes pas pu redonner le sourire à Aissata Keita comme je l’aurais voulu. Mais cette histoire m’a permis de mesurer l’impact de nos activités de sensibilisation, tant en ligne que hors ligne, sur nous-même et nos communautés respectives. Cette expérience m’a motivé davantage à m’intéresser à la production de vidéo, au point d’en faire une source de revenu. Cet intérêt, doublé des formations reçues dans le cadre du projet Migrants comme Messagers m’a valu un prix lors de l’édition 2021 du Festival International du Film sur les Migrations – FIFM, pour une vidéo que j’ai réalisée sur la pollution du fleuve Milo de Kankan en Guinée. Tout cela me fait me sentir utile. Et pour un migrant de retour comme moi, servir sa communauté est un tremplin vers une réintégration sociale réussie.
Ibrahim DIAKITÉ, Volontaire MaM à Kankan.