16 Jours d’Activisme : les femmes migrantes de retour au Nigeria se mobilisent contre la violence
Nigéria
Voix de volontaires
Au cours de ma vie, j’ai beaucoup appris sur le rôle essentiel que jouent les femmes dans la société. En tant que femme migrante, la violence pour moi était inévitable pendant mon voyage par la route et par la mer. Les femmes que j’ai connues dans ma communauté et celles que j’ai rencontrées ne pouvaient pas résister aux abus sexuels. J’ai vu des femmes éprouver une douleur terrible sans personne pour les défendre.
Ayant grandi à Lagos, les femmes étaient perçues essentiellement comme celles qui s’occupaient des enfants. Leur principal rôle était de s’occuper des tâches ménagères, de faire la cuisine, de se marier et d’avoir des enfants. J’ai fait face à des défis qui m’ont empêché d’avoir mon mot à dire dans la prise de décisions importantes. J’ai vu la violence à l’égard des femmes et des filles, allant des mutilations génitales à la violence sexuelle en passant par la violence domestique. Les femmes sont censées endurer tout cela et ne rien dire. Puis, en voyant les violences auxquelles les femmes migrantes sont confrontées dans leur quête de meilleures opportunités à l’étranger, j’ai décidé alors d’être leur porte-parole dans ma communauté.
Dans ma région, on apprend à chaque fille à craindre les ainés et de suivre seulement ce qu’ils ordonnent. Cela a un impact important sur les prises de décisions de vie des personnes et peut les pousser à des migrations dangereuses, au mariage précoce, à la traite des personnes et à l’exploitation — autant de situations dangereuses qui se produisent à cause de notre vulnérabilité en tant que fille.
Je suis partie en essayant de rejoindre l’Europe en 2017. Même à l’âge de 26 ans, je n’avais pas autant de pouvoir que maintenant pour dire non à l’offre de migration faite par mes cousins. Lors de mes conversations avec d’autres femmes migrantes en Libye, et d’après mon expérience personnelle, le principal problème que j’ai identifié — et que je souhaite résoudre — est de remédier les obstacles liés à l’information.
Il est important pour moi qu’une plus grande attention soit accordée à l’accès des femmes et des filles à l’information. C’est parce que les femmes que je rencontre semblent avoir les mêmes idées, les mêmes aspirations et presque toujours les mêmes défis. Je constate que les femmes ignorent leurs droits.
Les femmes n’ont souvent pas le droit à l’éducation. Les femmes ne parlent pas. Une femme est censée écouter même si ce qu’on lui dit l’affecte ; elle doit l’accepter, le digérer et s’en accommoder. C’est pourquoi de nombreuses femmes sont restées au bas de l’échelle toute leur vie.
Chylian Azuh participe à un atelier de sensibilisation de l’OIM en 2018 à Benin City, État d’Edo, Nigeria
C’est pourquoi j’ai décidé de créer une association de femmes migrantes de retour appelée « Female Returnee Forum ». Son objectif est de soutenir les filles et les femmes à être moins vulnérables à la violence et à l’exploitation. Nous apportons notre soutien aux femmes migrantes de retour qui ont été victimes de la traite des personnes et de plusieurs formes de violence. L’organisation les aide dans leur processus de guérison de leurs traumatismes.
En tant que survivantes, nous informons les femmes et les filles sur les possibilités d’une migration régulière et sur la façon de rester en sécurité et en bonne santé, nous militons également pour leur accès à l’éducation, aux opportunités futures et au leadership dans la vie publique. De retour de Libye, j’ai apporté à ma communauté des informations qui peuvent être un catalyseur pour la croissance et le développement des femmes et des filles, en les informant sur les risques et les obstacles auxquels elles sont confrontées.
Il y a quelques mois, j’ai mené une enquête dans ma communauté portant sur le rôle des femmes dans la vie publique. Sur les 45 femmes et jeunes filles âgées de 14 à 45 ans que j’ai interrogées, environ 60 % ont déclaré qu’elles n’avaient pas été en mesure de développer leurs compétences, de faire avancer leurs initiatives pour les entreprises qu’elles espéraient lancer ou de participer à la prise de décision au sein de leur communauté. Cela doit impérativement changer. Une société saine est une société qui permet l’implication égale des femmes et des filles.
Je crois que, dans quelques années, beaucoup de filles seront libérées des défis qui dissimulent leurs belles idées. Cela les motivera à s’impliquer davantage dans la société sans craindre d’être jugées ignorées ou maltraitées.
Le rôle essentiel des femmes dans la société doit être reconnu et apprécié. Les femmes doivent avoir les mêmes droits que les hommes dans tous les domaines de la vie ; c’est la seule façon de créer un meilleur environnement pour tous.
Je mènerai plusieurs campagnes durant les 16 jours d’Activisme pour informer les femmes de leurs droits.
Chylian Azuh est une écrivaine nigériane et conférencière qui a été formée en 2018 en tant que volontaire (MaM) — une campagne de sensibilisation entre pairs menée par l’OIM qui donne aux jeunes d’Afrique de l’Ouest les moyens de prendre des décisions éclairées en matière de migration. Chylian est retournée volontairement au Nigeria grâce à l’initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants, et a fondé le « Female Returnee Forum », une organisation pour les femmes migrantes de retour, soutenant un réseau croissant de migrants de retour impliqués dans la sensibilisation de la migration dangereuse et la lutte contre les stigmates auxquels sont souvent confrontés les migrants qui ne sont pas arrivés à leur destination prévue et retournent à leur pays d’origine.
Les opinions exprimées dans l’article sont celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de l’OIM.